L’administration de l’agriculture des Etats-Unis, USDA / APHIS, envisage de soutenir des expérimentations largement dispersées sur le terrain, avec une insouciance téméraire en matière de sécurité et en violation flagrante du principe de précaution. Prof. Joe Cummins
Ce rapport a été soumis à l'USDA / APHIS, (adimistration fédérale de l’agriculture aux Etats-Unis) sous l’égide de l’I-SIS
Le texte original en anglais et les références sont accessibles sur le web par : https://www.i-sis.org.uk/FTGEEEASI.php
La société américaine de biotechnologie forestière ArborGen a eu un succès considérable en obtenant la permission de l'USDA / APHIS ( United States Department of Agriculture / Animal and Plant Health Inspection Service ) pour procéder à des essais en plein champ avec des plantes d' eucalyptus génétiquement modifiés (GM) provenant de cette société ( Note de l'auteur : les termes GM, transgénique ou génétiquement modifié sont utilisés indifféremment dans le texte qui suit).
Le premier essai au champ d'eucalyptus génétiquement modifiés GM a été effectué dans l'état de l'Alabama, aux Etats-Unis, et il a fait l'objet du constat suivant : absence d'impact significatif (selon un critère et un classement désigné en anglais sous l'expression FONSI ).
Antérieurement, l'ISIS s'était déjà opposé à la demande d'une expérimentation sur le terrain [1] ( GM Eucalyptus Environmental Assessment Irregular , SiS 35). Des essais au champ supplémentaires ont été effectués en Floride. Maintenant, la société ArborGen propose une suite gigantesque en envoyant deux demandes d'essais sur le terrain sur 29 sites, dont la taille varie de 0,5 à 20 acres, situés en Alabama, en Floride, au Texas et en Louisiane [2].
Les services administratifs de l'agriculture USDA / APHIS ont préparé un projet révisé d'évaluation environnementale en réponse à ces demandes, pour poursuivre les recherches sur des arbres d'eucalyptus transgéniques, dont la dissémination a été permise avec l'autorisation de planter des arbres supplémentaires, et pour la dispersion dans l'environnement, d'eucalyptus transgéniques qui seront autorisés en culture jusqu'à leur floraison sur 28 des 29 sites proposés.
Ces plantes sont issues d'un clone, codé EH1, dérivé d'un hybride d' Eucalyptus grandis X Eucalyptus urophylla, et qui a été génétiquement modifié avec différents concepts. Le but de cette dissémination dans l'environnement est d'évaluer l'efficacité des constructions génétiques ayant pour objet de conférer une tolérance au froid, d'altérer la biosynthèse de la lignine, et enfin d'altérer la fertilité. En outre, les arbres ont été conçus avec un gène marqueur de sélection.
Les deux permis combinés demandés par ArborGen permettraient d'observer le matériel jusqu'à la floraison sur un maximum de 330 acres, répartis dans tous les 28 sites, avec des surfaces allant de 0,5 à 20 acres [2].
Le gène marqueur de sélection pour la résistance à la kanamycine (nptII) a été conçu et intégré dans les arbres ; ce gène est considéré comme étant sûr selon l'organisme APHIS. Dans un certain nombre de cas, les plantes transformées avec ce gène ont été déréglementées par l'APHIS (maïs, colza, coton et papaye, dans les pétitions antérieures).
Il convient de souligner que les plantes cultivées destinées à l'alimentation humaine et animale, et déréglementées par l'APHIS, ne sont pas étiquetées et il n'y a eu aucun effort de fait pour étudier l'impact du gène de résistance aux antibiotiques sur les populations humaines ou sur la question posée par les animaux d'élevage. Par conséquent, le gène n'est effectivement pas l'objet d'expérimentation et l'APHIS n'a aucune raison de supposer que l'utilisation de ce gène n'a pas d'impact significatif.
La modification génétique la plus importante consiste en l'introduction de gènes pour la résistance au froid. Les gènes introduits comprennent le codage d'une protéine appelée facteur de transcription C-Repeat Binding Factor ( CBF ), conduit par un promoteur inductible par un stress de froid intense. Le facteur de transcription régule l'expression d'un certain nombre de gènes conférant une résistance au gel. L'utilisation du promoteur inductible par un stress au froid, pour conduire expression du transgène CBF , améliore considérablement la tolérance au gel sans montrer d'impact négatif sur d'autres caractères d'importance agronomique.
Le promoteur inductible par le froid provoque l'expression du gène sous des températures froides, atténuant ainsi la réduction du potentiel de croissance à basse température. Un promoteur constitutif tel que celui du CaMV, utilisé pour conduire le transgène CBF, pourrait réduire la croissance des plantes. Une demande de brevet a été soumise par ArborGen ; elle comporte les séquences de gènes CBF employés par ArborGen dans ses Eucalyptus génétiquement modifiés [3].
Compte tenu de la propension des transgènes CBF à produire des impacts néfastes sur la croissance quand ils sont contrôlés par un promoteur constitutif, il est conseillé de faire une étude plus complète du protéome (l'ensemble des protéines exprimées par un génome, cellules, tissus ou l'organisme) des plantes modifiées avec CBF et le promoteur inductible par un stress au froid.
La présomption que les effets des transgénes CBF et que son promoteur inductible par le froid n'ont pas d'effets secondaires nocifs, ne se justifie pas sans une étude plus complète.
Conformément aux informations de l'APHIS, le gène barnase a été introduit dans plusieurs autres plantes cultivées qui ont déjà été examinées et analysées dans de multiples évaluations environnementales par l'APHIS ; il a été accordé pour ce gène un statut sans réglementation : le maïs mâle stérile (pétitions USDA APHIS pour la déréglementation 95-288-01P, 97-342-01P et 98-349-01P), colza (pétitions 98-278-01P et 01-206-01P) et chicorées (pétition 97-148-01P).
Il n'y a aucune raison de croire que la fonction et l'expression de ce gène va être différente de celle des plantes où il a été évalué précédemment.
Lors de tests effectués sous serre, en utilisant le tabac et un modèle d'eucalyptus ( E. occidentalis ) à floraison précoce, le demandeur a trouvé que le gène barnase présentait une efficacité de 100 pour cent en empêchant la formation de pollen.
Dans le développement de boutons floraux à partir de lignées transgéniques d' eucalyptus contenant cette cassette génétique et cultivées en plein champ, 90 pour cent des lignéees ont montré une ablation complète du pollen.
Des observations récentes faites à partir de l'étude menée sur le terrain en Alabama, en vertu d'une autorisation BRS accordée (BRS n ° 06-325-111R-A1), confirment que sur les arbres résistants au froid provenant de ce site, les fleurs ne produisent pas de pollen viable. L'APHIS a conclu que le gène barnase n'aura pas d'impact significatif sur l'environnement.
L'APHIS ignore le fait que le produit du gène barnase est la barnase ribonucléase, une toxine d'empoisonnement cellulaire puissant chez les êtres humains, les petits mammifères et les oiseaux [4].
La toxine en cause a été conçue pour tuer des cellules cancéreuses [5]. Dans une demande de brevet qui a été déposée par ArborGen en 2009 [6], il a été déclaré: 'En conséquence, il existe un besoin pour un système d'ablation de la reproduction ayant permis de réduire la toxicité induite par la barnase et une expression minimale dans les tissus végétatifs de la plante'. La perméabilité et la toxicité de la barnase n'a pas été mentionnée dans l'évaluation de l'APHIS.
Selon l'APHIS, dans une petite série d'expériences, les gènes CBF et barnase ont également été testés en combinaison avec des gènes introduits, mais non spécifiés (désignés comme CBI , et considérés comme des informations commerciales confidentielles), pour modifier la biosynthèse de la lignine En outre, les arbres ont été conçus avec un gène marqueur de sélection commun (nptII) qui confère la résistance à la kanamycine. Le gène de la lignine a été introduit dans d'autres végétaux qui ont été précédemment répartis dans l'environnement, avac les notifications et les permis. Le transgène introduit dans les plantes installées dans ces essais sur le terrain, a déjà été testé sur le terrain par ArborGen pendant plus de deux ans.
Il pourrait y avoir un danger que la lignine modifiée puisse conduire à une augmentation de la sensiilité à des insectes ou à des maladies, car la lignine est souvent associée à une résistance aux insectes et aux microorganismes pathogènes, mais les résultats des essais sur le terrain avec ce gène particulier, n'ont montré aucune différence dans les plantes pour la sensibilité à des ravageurs. Des mesures de la croissance ont indiqué que les arbres contenant ce gène ont un phénotype caractérisé comme normal ou par une diminution modérée de la croissance. Toutefois, si pendant les essais, il apparaît des preuves d'une augmentation de maladies ou d'une sensibilité aux insectes, le demandeur est tenu de déclarer ces imprévus (y compris une mortalité excessive ou morbidité) à l'APHIS, selon les termes de la licence [2].
L'affirmation que les arbres à faible teneur en lignine ne sont pas sensibles à des maladies causées par la prédation des insectes, des virus, des champignons ou des bactéries, demande des vérifications indépendantes. Il serait souhaitable de soumettre les arbres à des agents pathogènes et à des insectes nuisibles pour évaluer leur résistance aux ravageurs ou agents pathogènes directement, et avec une comparaison par rapport aux arbres du même type ‘sauvages', non modifiés génétiquement.
Les arbres à faible teneur en lignine ont souvent une résistance mécanique amoindrie, ce qui entraîne des problèmes lors des tempêtes, des pluies ou de neige mouillée et lourde. Ce problème ne semble pas avoir été pris en compte dans l'évaluation du matériel végétal dans l'environnement.
Il est regrettable que la construction génétique élaborée pour ces arbres transgéniques ait été classée CBI , ainsi que l'emplacement des essais sur le terrain. La désignation comme CBI semble inappropriée, car un brevet ainsi que quatre demandes de brevet déposées par ArborGen, révélent l'ensemble de modifications génétiques utilisées pour transformer ces arbres d'eucalyptus. Les brevets et demandes de brevets sont des renseignements publics et les informations qui figurent dans ces demandes ne doivent pas être désignées CBI , information commerciale confidentielle (7).
Le fait de retenir à la source des informations vis-à-vis du public sous des appellations classées CBI est de nature bien légère et cela empêche les autorités locales et les résidents voisins de reconnaître et d'identifier les effets secondaires indésirables des arbres génétiquement modifiés qui sont testés.
Selon l'APHIS, les essais d'eucalyptus sur le terrain pourraient être une source de Cryptococcus neoformans gattii, un champignon pathogène hébergé par diverses espèces d' Eucalyptus et d'autres espèces d'arbres. Ce champignon cause des infections cryptogamiques systémiques chez les êtres humains, conduisant à des méningites cryptogamiques et des morts.
Le champignon C. neoformans gattii a été trouvé sur un certain nombre d'hôtes d' Eucalyptus, dont certains sont cultivés dans des plantations commerciales et importés et exportés à des fins ornementales.
Des personnes ayant contracté ce champignon sont mortes de la cryptococcose en Inde, en Afrique, à Taïwan, en Amérique du Sud et en Californie. Des infections à C. neoformans se rencontrent surtout chez les patients atteints de SIDA en raison de leur systême immunitaire qui est affaibli. Les infections causées par ce champignon sont rares chez ceux qui ont un système immunitaire pleinement opérationnel. Pour cette raison, C. neoformans est parfois désigné comme un champignon opportuniste.
Il est peu probable que les arbres qui font l'objet du communiqué pour la dissémination proposée sur le terrain puissent être une source qui pourrait introduire l'agent pathogène aux États-Unis, puisque les arbres en question sont issus de lignées de cultures de tissus stériles.
L'APHIS a conclu qu'une augmentation de la superficie plantée en eucalyptus supplémentaires n'aurait aucune incidence sur la probabilité que ces essais sur le terrain puissent conduire à une incidence plus élevée de C. gattii aux États-Unis et qu'il ne devrait donc pas poser un risque majeur pour la santé humaine ou animale. L'APHIS ne considère pas le fait que les eucalyptus transgéniques puissent ensuite être infectés en culture et qu'ils pourraient servir d'hôtes à ce champignon.
En realité, le champignon Cryptococcus (une levure) est un agent pathogène grave qui infecte les plantes et les animaux dont les êtres humains.
La discussion émanant de l'APHIS autour de cet agent pathogène, semble représenter l'approche des avocats de la société de développement des eucalyptus transgéniques.
L'APHIS n'a pas en la matière une approche de précaution, mais plutôt demande une preuve absolue de risque en l'absence de laquelle, ils auraient dispersé avec jubilation tout organisme transgénique vivant, de sécurité douteuse pour l'environnement.
Par exemple, l'APHIS a omis une importante étude démontrant que les déjections des pigeons sont une source significative de l'organisme pathogène Cryptococcus causant des maladies humaines. Les crottes des pigeons peuvent déposer les levures pathogènes sur les arbres d'eucalyptus [8], et la maladie cryptococcale est de plus en plus étendue à l'échelle mondiale [9].
L'accouplement de la levure pathogène a lieu à la surface des feuilles d'eucalyptus, et il est renforcé par une hormone végétale. Le produit de l'accouplement, les hyphes fongiques, sont pathogènes pour les plantes et les animaux [10].
L'APHIS a préféré ignorer cela et ne pas tenir compte du rôle de l'eucalyptus dans la propagation de l'infection par ces levures, et ignorer également la possibilité que l'extension des eucalyptus entraînera également une extension des infections par la levure Cryptococcus aux Etats-Unis.
Le transfert horizontal de gènes ( HGT ), ou transfert génétique horizontal, est une sorte de processus dans lequel un organisme vivant intègre le matériel génétique d'un autre organisme, sans être le descendant de cet organisme [par reproduction sexuée].
Selon l'APHIS, le transfert horizontal de gènes est un phénomène courant chez les bactéries, mais il n'est pas commun entre les organismes supérieurs ; le transfert et l'expression de l'ADN de ces espèces de plantes à des bactéries est peu probable. L'APHIS conclut que le transfert horizontal de gènes ne présente aucun risque environnemental important.
La position de l'APHIS sur le transfert horizontal de gènes, ou transfert génétique horizontal, ignore une multitude de preuves que l'on trouve dans la littérature scientifique et qui ont été passées en revue plus récemment en 2008 par l'Institut de la Science dans la Société I-SIS [11] ( Horizontal Gene Transfer from GMOs Does Happen , SiS 38). [voir l'article 'Le transfert génétique horizontal se produit bel et bien à partir des OGM' par le Dr Mae-Wan Ho et le Professeur Joe Cummins, traduction de Jacques Hallard, accessible sur le site http://yonne.lautre.net/spip.php?article2820 ].
Le projet révisé de l'APHIS pour une évaluation de nature environnementale [concernant la dissémination d'eucalyptus transgéniques tolérants au froid] est très insuffisant. Il vise à soutenir des essais déjà largement dispersés sur le terrain avec une insouciance téméraire pour la sécurité et en violation flagrante du principe de précaution.
L'APHIS exige des niveaux élevés de la preuve d'un préjudice, tout en ignorant ou en omettant les résultats qui soulèvent des préoccupations en matière de sécurité.
L'ISIS reste opposé aus mises en culture d'eucalyptus transgéniques, comme d'ailleurs de tous les arbres transgéniques, en raison du rôle crucial que jouent les forêts dans la stabilisation climatique [12] ( Moratorium on all GM Trees and Ban on GM Forest Trees , SiS 35), d'autant plus que de nouvelles recherches ont maintenant démontré que c'est le mécanisme d'évapotranspiration des arbres forestiers qui attire la pluie, à partir des océans vers la terre ferme, dans les régions tropicales ainsi que dans les régions tempérées et boréales [13] ( The Real Importance of the Amazon Rain Fores t , voir ‘ L'importance réelle de la forêt amazonienne' , dans la revue Science in Society N°46).
Article first published 08/02/10
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