Le Dr Siegfried Brenke, chef de groupe de projects à l’Agence allemande de coopération technique (GTZ), pour le renforcement de l'autonomie locale en Serbie, nous raconte comment les villes peuvent jouer un rôle déterminant dans l'atténuation des perturbations climatiques et comment des financements verts régénèrent les investissements à partir des économies d'énergie ; il est intervenu au Sommet de Copenhague sur le Climat, pour les maires des villes, lors de la COP15.
Le texte original en anglais et les références sont accessibles sur le web par : https://www.i-sis.org.uk/howCitiesCanLeadinMitigatingClimate.php
Ou plutôt la question devrait être: Que signifie la présence des villes à Copenhague ?
Le message donné par la Chine à Copenhague [décembre 2009] est que pour parvenir à un engagement de fond en provenance des pays en développement, les pays développés doivent accepter deux conditions.
Premièrement, une contribution financière de 0,5 à 1,0 pour cent de leur PIB pour soutenir la création et l'entretien de quatre fonds différents: le Fonds d'adaptation, un Fonds d'atténuation, un Fonds multilatéral d'acquisition de technologies et un Fonds de renforcement des capacités. C'est une position partagée par tous les pays en développement. Connie Hedegaard, le ministre du climat et de l'énergie du Danemark conclut: "No Money, No Deal","Pas de financements, pas d’accords mutuels ". Les gouvernements nationaux se trouvent dans ce que l'on pourrait appeler un "dilemme de la négociation". Personne ne veut montrer la voie en prenant un engagement financier majeur, et de prendre un blâme pour avoir gaspillé de l'argent.
Deuxièmement, les pays développés devraient signer un engagement contraignant pour réduire en 2020 leurs émissions de gaz à effet de serre (GES) d'au moins 40 pour cent, en dessous de leur niveau de 1990. En dépit de mouvements volontaristes - plus précisément de l'Union Européenne - dans le sens d'un tel accord, un engagement de cette nature semble être conditionné par une approche commune, qui comprendrait tous les grands pays industrialisés, notamment les Etats-Unis. Actuellement, cette hypothèse semble peu réaliste.
L'obstacle majeur dans le déplacement des administrations centrales vers un tel changement de grande portée politique, est l'incertitude sur les conséquences en termes économiques et sociaux. "N’entreprendre aucune action", "ne rien faire", semble toujours être plus facile à défendre dans le cadre défini des structures de pouvoir. A tort ou à raison, il semble toujours plus facile de faire peur aux gens avec des scénarios de chômage et de déclin des industries - comme une conséquence de politiques d'atténuation - que de les attirer avec un modèle durable de production et d'utilisation d'énergie.
Ce qui manque, c'est une large reconnaissance des réalités suivantes basées sur un nombre sans cesse croissant d'exemples frappants, fournis par l'action locale.
Ces exemples d'actions locales sont la raison principale pour laquelle le rôle des gouvernements locaux est si important pour le progrès. Des mesures concrètes peuvent être prises plus facilement, et parfois seulement au niveau local. Pour que les choses se face un endroit doit être disponible! Une "volonté politique" peut aussi être générée plus facilement au niveau local, et même si le cadre juridique national peut être plus ou moins favorable, les initiatives locales sont imparables, si elles sont entraînées par un large consensus local. Les résultats sont visibles dans un court délai et ils peuvent être partagés au sein d'un réseau d'une communauté ayant la même sensibilité, croissante au niveau mondial.
Le Conseil international pour les initiatives écologiques communales (ICLEI) a été fondé en 1990 pour aider à articuler la voix des collectivités locales lors du Sommet mondial pour l'environnement et le développement à Rio de Janeiro 1992. Le document principal de ce sommet, l' "Agenda 21" a été complété par l’ "Agenda Local 21" (LA21) en fournissant les bases d'une vision partagée des gouvernements locaux pour le développement durable. Avec une acceptation croissante des responsabilités locales à faire face aux problèmes du monde, la devise LA21 a été reformulée à "Local Action Moves the World". L’ICLEI avec ses 13 bureaux répartis sur tous les continents et un effectif de 150 personnes, a maintenant quelque 1.100 membres de gouvernements locaux du monde entier, dont 155 proviennent de l'Union Européenne, dont 10 pays du Royaume-Uni. En ce qui concerne le débat sur le climat ; l’ ICLEI a commencé sa campagne "Les villes pour la protection du climat" (PCC) en 1993.
La campagne du PCC est basée sur une "Approche avec des jalons", consistant en cinq éléments :
Dans la période précédant la COP15, l'ICLEI a créé le catalogue villes et climat pour Copenhague, qui est un raccourci pour le Catalogue mondial des Engagements des villes sur les initiatives à prendre pour diminuer les effets des changements climatiques, ou des villes qui s'efforcent, de façon indépendante, de travailler pour la réduction des émissions de carbone. www.iclei.org/climate-roadmap/cop15, www.iclei.org/cop15/climate-lounge
Au début de la CdP 15, le catalogue a enregistré plus de 2.800 villes participantes, environ 1.100 des États-Unis, 380 d'Allemagne, 150 du Royaume-Uni, 70 en provenance du Canada et 12 en provenance de la Chine. Ces villes ont adopté le processus en cinq étapes décrites ci-dessus, à des degrés divers à ce jour. Le message à Copenhague est cependant que les gouvernements locaux à travers le monde sont désireux et capables d'agir, et qu’ils pourraient faire encore mieux, si le cadre économique et juridique - et les administrations centrales - en tenaient davantage compte. Les villes peuvent donner l'exemple.
Le Sommet sur le climat à Copenhague pour les maires, qui a lieu pendant la deuxième semaine de la COP15, démontrera que les villes agissent et montrent comment et soulignera les deux principales positions des maires à Copenhague.
De toute évidence, les pays en développement auront besoin et doivent recevoir une aide financière considérable pour l'atténuation, l'adaptation, la coopération technologique et le renforcement de leurs capacités. Toutefois, pas d'argent, pas d'accord possible ne doit pas signifier aucune action, certainement pas dans les pays industrialisés, mais pas non plus dans le monde en développement. De nombreux investissements sont économiquement faisables maintenant et pas d'argent n'est pas une excuse de ne pas exploiter ces possibilités dès maintenant.
Le rapport, ‘Les voies vers une économie à faible teneur en carbone’ (2009) rédigé par McKinsey & Company, présente une "cartographie mondiale des possibilités pour réduire les émissions de GES entre les régions et les secteurs", sous la forme d'une "courbe de coût des réductions des GES au plan mondial", évaluant les coûts des différentes mesures de réductions du CO2 "au-delà du business-as-usual - 2030". Le Résumé des résultats conclut: En effet, bon nombre des possibilités des économies d'énergie à venir, vont largement compenser l'investissement initial.
Ainsi, la "courbe de coûts de réduction des émissions" devrait être rebaptisée "Investment Opportunity Curve", "Courbe des opportuntés d’investissements" et elle prendrait des formes différentes selon l'environnement naturel et bâti, et pour chaque endroit. Alors que certaines régions rurales peuvent souvent passer à 100 pour cent d’énergies neutres pour le CO2 - simplement en faisant une utilisation rationnelle de la biomasse -, d'autres lieux pouvant mieux mobiliser une petite hydraulique, ou la géothermie, le solaire, l’éolien ou encore des sources d'énergie marémotrice. Et pour toutes les collectivités territoriales, l’utilisation plus efficace des matières premières secondaires (déchets solides ou eaux usées), peuvent être une autre source d'énergie renouvelable.
La courbe de coûts de réduction des émissions combine des mesures pour accroître l'efficacité énergétique et la fourniture d'énergies renouvelables. Au sein d'une stratégie de réduction du CO2, ces deux approches sont les deux faces d'une même médaille: il est aussi important de pousser les énergies vertes, que de pousser à la réduction de la demande énergétique. Plus la demande globale d'énergie est réduite, moins d'investissement seront nécessaires pour parvenir à un approvisionnement sur la base de 100 pour cent d'énergie renouvelable. Il est très clair que nous avons besoin d'envisager ces deux aspects en même temps. Nous avons besoin de pousser dans les nouvelles énergies, et nous avons besoin de réduire la demande d'énergie grâce à une plus grande efficacité énergétique et dans une certaine mesure, par des changements de styles de vie [voir aussi à NégaWatt, à la suite sous la rubrique ‘Définitions & Compléments’]. Les mesures évaluées par la courbe de coûts de réduction, ne sont pas tous de l’ordre de l'auto-financement.
Plus précisément, les projets de captage et stockage du carbone (CSC), une technologie qui est loin d'offrir des solutions éprouvées pour le moment, sont à la limite supérieure des coûts de réduction.
Economiquement, l'enjeu est une ré-orientation des incitations économiques afin de subventionner l'approvisionnement en énergie (jusqu'à présent favorisant essentiellement la fourniture de combustibles fossiles et l'énergie nucléaire) vers des subventions qui favorisent les énergies propres et des technologies énergétiques efficaces. Tant qu’il ne semble y avoir aucun effort sérieux pour inclure les coûts externes (y compris une prime de risque) dans la fixation des prix des énergies fossiles et nucléaires, une telle stratégie doit aussi se justifier par des raisons purement économiques. Les tarifs de rachat sont un bon exemple de cette réorientation.
En Allemagne, le tarif de l'électricité conventionnelle s'élève à environ 20 centimes. Cela inclut le coût du système tarifaire des rachats, qui est calculé à raison de 0,5 centimes, et contribue ainsi pour 2,5 pour cent du total. En même temps, cette subvention a poussé le développement de nouvelles technologies, qui deviennent de plus en plus compétitives sans subventions. Je suis très heureux de pouvoir dire qu’ensemble, avec des pays comme l'Australie, l’Autriche, le Brésil, la France, l’Allemagne, la Grèce, l’Italie, le Portugal, l’Espagne, la Corée du Sud, la Turquie, et dans plusieurs États des États-Unis, et à compter du 19 Septembre 2009 aussi la République de Serbie, tous ces pays ont adopté le décret relatif au rachat de l’énergie produite.
Permettez-moi de conclure par deux exemples démontrant les options qui existent pour accroître l'efficacité énergétique en utilisant les nouvelles technologies, y compris les énergies renouvelables.
Mon premier exemple est celui d'un bâtiment scolaire à Freiburg, en Allemagne, construitedans les années soixante-dix et très inefficace dans sa consommation d'énergie. L'école a été rénovée et des panneaux solaires ont été ajoutés. Le financement du projet était fondé sur les principes d’un contrat de performances en vertu duquel l'entrepreneur est à la fois le planificateur, le financeur, le constructeur et l’exploitant des projets des économies d'énergie en question.
Le retour sur investissement était uniquement fondé sur les économies d'énergie générées par l'investissement de départ, un cas typique parmi beaucoup d'autres, réalisés au même moment. Ce cas était spécial dans la mesure où les investissements nécessaires, de 246.000 €, ont été principalement financés par les parents et les enseignants de l'école. Cette forme d'investissement vert est appelé "contrat de performance avec la participation des citoyens".
Le retour sur investissement (pour les parents et les enseignants), sur une période de huit ans, s’est élevé à 364.000 €, avec une part de 79.000 € pour l'école elle-même. La municipalité, en tant que propriétaire de l'école, va faire à l'avenir une épargne supplémentaire de 80 à 90.000 € par an, et, de plus, les nouveaux panneaux solaires généreront des revenus additionnels après l'achèvement du projet.
Comme le secteur du bâtiment est le plus gros utilisateur d'énergie, responsable de quelque 40 pour cent de l'énergie consommée, la législation allemande a augmenté les normes de construction par étapes au cours des deux dernières décennies et une efficacité énergétique a été mise en place par un système d'étiquetage obligatoire pour les bâtiments. Fribourg, ainsi que certaines autres villes allemandes, a toujours été plus loin que les exigences requises par les lois fédérales en Allemagne, avec l'adoption de normes encore plus strictes et avec anticipation, faisant de la réduction de la consommation d'énergie du parc immobilier, un objectif politique clé pour la planification urbaine.
Actuellement, la vision pour la prochaine génération d’ "efficacité énergétique" des bâtiments est le concept d’ "habitat énergie-plus", qui, par définition, produit plus d'énergie qu'il n'en consomme.
Un autre exemple est tiré de l'Université de Mexico, au Mexique, où le système d'éclairage a été rénové avec la coopération des entreprises locales d'ingénierie. Dans les projets pilotes, un plan directeur pour un éclairage efficace et son potentiel d'économies, à partir de quatre domaines distincts de l'Université, a été élaboré : les salles de classe et les laboratoires, la bibliothèque, le foyer et hall d'accueil et les ateliers. Après que des systèmes d'éclairage efficaces furent été installés, les résultats ont montré d'importantes économies sur les consommations d'électricité et sur les coûts d'exploitation comme cela est indiqué dans le tableau 1.
Table 1. Results from the pilot-project in Mexico: costs and savings
Investissement |
Économies de coûts opérationnels |
Période de récupération |
Economies d'électricité |
|
US$ |
US$/year |
years |
% |
|
Laboratoires |
4 400 |
811 |
5.4 |
72 |
Bibliothèque |
2 900 |
235 |
12.3 |
59 |
Foyer |
4 900 |
3 893 |
1.3 |
92 |
Atelier |
1 700 |
290 |
5.9 |
65 |
Pour plus de détails sur les deux projets, s'il vous plaît, voir le Dr. Dieter Seifried, Büro Ö-quadrat, Directeur, ECO-Watt GmbH, sur les sites : www.oe2.de et www.eco-watt.de et son exposé complet qui est accessible sur le site suivant : www.sls.rs.
Pour qu’une action puisse être engagée, il fait disposer d’un endroit disponible. Les villes et les citoyens sont prêts et tout à fait disposés à agir. Les normes nationales et internationales doivent soutenir l'action locale. L’atténuation du réchauffement planétaire et des changements climatiques est faisable et cela peut être financé par l'acte d'investir dans l'efficacité énergétique et en faisant appel aux énergies renouvelables et/ou vertes.
Alors que nous semblons de plus en plus sensibilisés et axés sur l'adaptation climatique, trop peu de temps et d'attention sont accordés, d’une part, à l’atténuation des changements climatiques lors de la planification des investissements et des travaux et, d’autre part, dans leurs décisions en matière d'investissements.
Cette présentation reflète les opinions personnelles de l'auteur et pas nécessairement les positions de son agence, GTZ, basée en Allemagne.
Transcrit par Sam Burcher lors de la réunion des énergies vertes à la Chambre des Communes, Westminster, à Londres, le 25 Novembre, 2009; édité par Sam Burcher et le Dr Mae-Wan Ho.
Article first published 14/12/09
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claude saint-jarre Comment left 9th January 2010 21:09:39
I suggested to the City of Saint-Hubert, Québec, to become member of this organization, 10 years ago. It is not done yet! I am now in another city, not far: Boucherville. I suggested to the Mayor to become member of it. Will he?!!
I am also involved in the transition towns movement.