Les insecticides du groupe des néonicotinoïdes, qui sont employés à la fois en pulvérisations sur les cultures et pour l’enrobage des semences, peuvent être responsables du "syndrome d'effondrement des colonies d'abeilles", selon le Professeur Joe Cummins
Le texte original en anglais et les références sont accessibles sur le web par : https://www.i-sis.org.uk/requiemForTheHoneybee.php
Il y a eu beaucoup d’inquiétudes à propos du déclin des abeilles à travers les Etats-Unis, l'Europe et l'Australie [1] (The Mystery of Disappearing Honeybees, dans cette même série). Le rapport du "Comité National du Conseil pour la Recherche des Etats-Unis" (United States National Research Council ou USNRC), [2] s'est concentré sur l'impact des parasites, des champignons, des bactéries et des virus, mais il n'a pas prêté beaucoup d'attention à l'impact des pesticides et des plantes cultivées génétiquement modifiées (OGM), qui peuvent avoir des effets mortels ou sub-léthaux sur le comportement ou la résistance des abeilles aux infections. Pour cette raison, il y a eu des réponses vigoureuses à ce rapport. D’autre part, il n’a nullement été suggéré que les plantes cultivées et génétiquement modifiées et les pesticides pouvaient être la cause du déclin des abeilles ; un déni insistant a été exprimé de la part de leurs partisans.
Certainement, les abeilles sont affectées à la fois dans des secteurs où des plantes cultivées génétiquement modifiées sont largement développées, et dans d'autres secteurs où ces plantes OGM sont mises en culture dans de petites parcelles expérimentales. Y a-t-il un fait commun qui lie ces deux secteurs ? Oui il y a un : c’est l'utilisation généralisée de l’emploi de pesticides systémiques pour l’enrobage des semences, aussi bien des plantes cultivées génétiquement modifiées que chez les semences conventionnelles ; en particulier, l'application répandue d'une classe relativement nouvelle d’insecticides systémiques - les néonicotinoïdes – qui sont fortement toxiques pour les insectes, dont des abeilles, à de très faibles concentrations. Cet enrobage des semences avec des insecticides systémiques, protège les nouvelles plantules à une période de grande vulnérabilité pour le développement des végétaux. Les enrobages des semences comprennent des insecticides et des fongicides systémiques qui agissent souvent en synergie en contrôlant les premiers parasites chez les plantules.
Les insecticides du groupe des néonicotinoïdes incluent l'imidaclopride, le thiaméthoxam, la clothianidine et quelques autres. L’imidaclopride est employé intensivement pour l’enrobage des semences des espèces horticoles et de grandes cultures et en particulier pour le maïs, le tournesol et le colza 'canola'. L’imidaclopride a été détecté dans les sols, dans les tissus végétaux et dans le pollen, en utilisant la technique HPLC (chromatographie à haute pression en phase liquide), associée à un spectromètre de masse. Les niveaux de l'insecticide retrouvés dans le pollen, suggèrent de probables effets délétères sur les abeilles [3]. Au cours des dernières années depuis 2000, des apiculteurs français et italiens avaient déjà noté que l'imidaclopride était mortel pour les abeilles et cet insecticide était suspecté de causer le déclin des populations d’abeilles dans les ruches, en affectant l'orientation et la capacité des abeilles de retourner à leur ruche.
Une équipe de chercheurs scientifiques, conduite sous l’égide de l'Institut National de l'Apiculture à Bologne, en Italie, avait constaté que le pollen obtenu à partir des semences enrobées avec l'imidaclopride, contenait des niveaux significatifs de cet insecticide ; elle a suggéré que le pollen pollué pouvait être l'une des causes principales de l'effondrement des colonies d'abeilles [4]. L'analyse de plants de maïs et de tournesol, provenant de semences enrobées avec l'imidaclopride, a montré que de grandes quantités d'insecticide sont rapportées vers les colonies d'abeilles [5].
Des doses sub-léthales d'imidaclopride dans des solutions sucrées, sont capables d’affecter l’activité butineuse des abeilles et leur retour à la ruche. Des abeilles nourries avec des concentrations de 500 ou 1.000 ppb (parties par milliard) de l'insecticide dans des solutions de sucre, ne sont pas retournées à la ruche et elles ont complètement disparu, alors que des abeilles qui avaient consommé des solutions à 100 ppb d’insecticide, avaient présenté un retard de 24 h, comparativement aux abeilles témoins [6].
Des abeilles nourries au laboratoire avec une solution sucrée contenant de l’imidaclopride ont présenté une altération de leur système de communication pendant quelques heures [7].
Des doses sub-léthales d'imidaclopride administrées lors d’une expérimentation au laboratoire et sur le terrain, ont provoqué une diminution de l’activité en vol, une baisse la discrimination olfactive et les facultés d’apprentissage olfactif ont été altérées [8].
Les scientifiques de la société Bayer ont rapporté qu’aucun effet délétère n’a été mis en évidence chez les abeilles, ni à partir de tournesols dont les semences avaient été enrobées avec l'insecticide [9], ni à partir de semences de maïs enrobées ou encore avec un traitement avec l’imidaclopride lors du semis [10]. Les études de Bayer n'ont pas porté sur le comportement des abeilles intoxiquées avec des doses sub-léthales. Une étude indépendante a permis de constater que l'imidaclopride a été libéré dans l'environnement à partir de graines de maïs traitées, lors de l’opération de semis [11].
Les écotoxicologues de chez Bayer ont exprimés de sévères critiques à propos des rapports qui montraient des effets toxiques mortels ou sub-léthaux résultant de l’enrobage des semences avec l'imidiclopride et ils ont conclu que cet insecticide ne présente aucun risque significatif pour les abeilles dans les conditions de plein champ [12], sans, pour autant, réfuter les résultats. C'est tout simplement un autre cas supplémentaire d’application du principe d'anti-précaution [13] (Use and Abuse of the Precautionary Principle, ISIS News 6)
Pour en revenir aux plantes cultivées génétiquement modifiées, telles que le maïs, le colza ‘canola’, le coton et le soja, il est clair que pour tous ces OGM, avec ou sans gènes Bt, on utilise la plupart du temps des semences enrobées avec des pesticides du groupe des néonicotinoïdes qui sont fortement toxiques pour les abeilles.
Par exemple, le maïs Herculex, avec des gènes Bt pour contrôler la chrysomèle du maïs, rootworm en anglais, tout comme le maïs Yieldgard résistant à la pyrale, sont mis en culture avec des semences enrobées à l’aide d’un insecticide du groupe des néonicotinoïdes, plus un fongicide.
En outre, la culture des plantes génétiquement modifiées, exige d’aménager, à proximité, des parcelles de terrain ensemencées avec du maïs conventionnel, une parcelle avec des plantes non génétiquement modifiées, sur une surface de 20 pour cent du secteur semé en OGM, comme zone "refuge" pour éviter l'évolution vers des insectes résistants.
Mais ces zones "refuges" sont traitées par pulvérisation avec des pesticides du groupe des néonicotinoïdes, afin de les protéger et assurer leur rendement [14] ; en fait, c’est plutôt un camp de la mort pour les insectes. Le brevet américain 6.660.690 de Monsanto prévoit d’enrober, ou de pelliculer, les semences génétiquement modifiées avec des pesticides chimiques [15].
La toxicologie des insecticides néonicotinoïdes est bien connue. Ces insecticides sont des inhibiteurs des récepteurs de l'acétylcholine (c’est-à-dire qu’ils sont des poisons du système nerveux). Ils sont faiblement toxiques pour les mammifères, les oiseaux et les poissons et ils sont employés pour contrôler les puces sur les chiens et sur les chats [16].
La famille du gène codant pour le récepteur nicotinique de l’acétylcholine chez l'abeille, a été étudiée ; elle a 11 composants de sous-unités, soit un plus grand nombre que la mouche des fruits ou les moustiques. Les gènes codant pour les sous-unités utilisent alternativement des transcriptions épissées, afin d’augmenter la diversité de récepteur et les ARN messagers sont édités pour remplacer les bases spécifiques A par des bases T. L'information sur le récepteur devrait permettre le développement d’insecticides qui ne sont pas nocifs pour les abeilles [17].
En conclusion, le "Comité National du Conseil pour la Recherche des Etats-Unis" (United States National Research Council ou USNRC), n'a pas traité ce sujet ni ouvert un débat, forcément houleux, à propos des pesticides néonicotinoïdes et du déclin des abeilles.
Au lieu de cela, cela les rédacteurs du rapport ont semblé souffrir d’une vision de tunnel et ils ont été trop prudents vis-à-vis des sujets qui menacent les grandes sociétés.
Nous avons un besoin urgent d'un comité complètement indépendant, afin de considérer la panoplie complète des facteurs qui peuvent contribuer au déclin des abeilles, y compris les pesticides, les plantes génétiquement modifiées et les appareils et dispositifs électroniques, avant l’extinction des abeilles.
Article first published 24/04/07
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